Creative CommonsLe droit d’auteur reconnaît à un artiste la paternité de son œuvre et lui en assure l’intégrité ainsi que l’exclusivité de son exploitation commerciale pour une durée variable au terme de laquelle celle-ci entre dans le domaine public.

STOP !

Mais où est le problème ? Pourquoi donc se bat-on actuellement à grand renfort de lois inapplicables et d’actions cyber-terroristes ? Cette définition du sujet me semble parfaite. Ah oui mais non. J’oubliais le facteur pognon. Je m’explique.

L’accès à la culture devrait être un droit et non le privilège de ceux qui en ont les moyens. Cependant il est normal pour un artiste d’être payé pour son travail comme tout un chacun. Le piratage d’œuvres d’art, sous quelque forme que ce soit, nuit donc théoriquement à la création, et par extension, à notre héritage culturel futur.

Malheureusement, certains ont vu dans le principe du droit d’auteur un moyen de gagner beaucoup d’argent sur le dos, et des artiste, et des consommateurs. Aujourd’hui par exemple, si je veux acheter un album de Serge Gainsbourg — grand homme s’il en est — sur une plate-forme de téléchargement légal… Bordel à culs ! Cherchez l’erreur !

Cela fait 20 ans que Gainsbourg est mort et enterré. Et si je suis parfaitement d’accord avec le fait de rémunérer un artiste de son vivant pour qu’il puisse vivre de son art et continuer à créer, je refuse d’engraisser sans mot dire ses héritiers et les majors qui régissent le monde de la musique. Et quand bien même je souhaiterais acheter un disque dudit chanteur, je n’accepterais de payer que la fabrication et l’impression du support. Quoi de plus logique ? Mais non, la loi française est ainsi faite que 70 ans après la mort d’un artiste ses œuvres sont encore la propriété des producteurs, maisons de disques et autres sangsues sans vergogne qui tentent inlassablement encore et toujours de prolonger ce droit qu’ils s’octroient par de viles et discrètes actions en justice.

Ce système est le vestige d’une époque révolue et n’a jamais évolué pour s’adapter au monde actuel qui lui est moins profitable. Avant l’avènement d’Internet les éditeurs d’un artiste profitaient de ses droits post-mortem pour, soit-disant, rentabiliser leur investissement dans la création. Il est inutile d’ajouter que si cette dernière avait auparavant connu un franc succès, étant donné le pourcentage incroyablement élevé déjà prélevé sur les œuvres et leurs produits dérivés, ces droits perçus pendant 70 ans n’étaient que pur bénéfice. Aujourd’hui, grâce au réseau étendu qu’est la Toile, l’information circule différemment et l’influence des maisons de production se voit de jour en jour diminuée. Ces principes désuets n’ont plus leur place ici-bas. Lorsque j’achète un morceau de musique en ligne fait par un artiste encore vivant, je souhaite reverser l’intégralité de la somme que je débourse à celui qui en est à l’origine ; je considère ne rien devoir aux profiteurs qui ne font qu’héberger le titre en question et préfère ainsi garder mon argent pour assister aux concerts des chanteurs et musiciens que j’apprécie.

L’industrie du cinéma, elle, n’est pas en reste. La simple diffusion d’un film en salle, dont le prix des places est scandaleusement élevé et ne cesse d’augmenter, suffit à assurer aux propriétaires des droits d’une œuvre cinématographique d’énormes bénéfices par rapport à son coût initial. À moins bien sûr que le film en question ne soit qu’un blockbuster navrant et que l’on soit obligé d’en imprimer précipitamment le DVD pour ne pas rester déficitaire (non j’ai pas dit Avatar). Bref. Mais alors que l’achat d’un billet de théâtre ou de concert donne le droit à la représentation en direct d’une performance artistique, celui de cinéma ne permet d’assister qu’à la rediffusion de cette œuvre, aussi grand soit l’écran, perfectionné soit le système de son et peu coupées à l’eau soient les boissons gazeuses. Ce qui devrait, en théorie, en amoindrir la valeur. Sachant également qu’il suffit d’attendre la sortie d’un film en DVD pour avoir le loisir de le visionner à loisir (et sans irrespectueux cinéphiles à ses côtés) pour un prix quasiment identique sachant que celui des places en salle augmentera bientôt suite au passage du système de projection de la pellicule au numérique « parce que la diffusion coûtera ainsi moins cher. » Hein ? Le fait de payer son entrée en salle devrait, aussi bien pour le cinéma que pour le théâtre et les concerts, donne le droit de posséder légalement cette œuvre sur quelque support que ce soit sans avoir à débourser le moindre supplément.

Il en est de même pour la télévision et la radio. Les chaînes et stations payent les ayant-droit pour diffuser séries, films, documentaires, musiques et spectacles. Et nous payons ces chaînes par le biais de la redevance audiovisuelle pour avoir le droit de profiter de leur contenu. Les opérateurs privés de radiodiffusion et télévision font, eux, d’assez conséquents bénéfices grâce à la publicité, de plus en plus présente et imposée, et ces numéros surtaxés que des millions d’abrutis appellent pour que Tatiana, la sulfureuse blonde peinturlurée comme une voiture volée achève avec une hache (tapez 1), une tronçonneuse (tapez 2) ou en lisant Da Vinci Code (tapez 3) Jérémy, le faux gay avec tellement de plumes dans le cul qu’il ferait mouiller une paonne ménopausée, dans Killer Story Academy.

L’ordinateur est le nouveau magnétoscope : je considère que la redevance que je paye m’autorise à télécharger gratuitement et légalement le dernier épisode de la rediffusion de la première saison de Pokémon sur Gulli que j’ai raté parce que je travaillais plus pour gagner plus, celui où Pikachu met sa race à la Team Rocket. Idem pour le dernier tube de Lady GaGa diffusé sur Nostalgie ou la saison 38 des Experts : Pont-de-Buis-les-Quimerc’h.

Et qu’en est-il des œuvres littéraires ? Les ventes en librairie et les droits d’adaptation télévisuels ne suffisent-ils pas à faire vivre leurs auteurs ? Amoureux moi-même de la lecture depuis mon plus jeune âge, je dépense une grande partie de mes revenus dans l’achat de livres pour avoir le plaisir de les tenir entre mes mains, les corner, les salir et les annoter, les prêter et celui de les contempler faisant plier mes bibliothèques sous leur poids. Le monde de l’édition est tout aussi pervers que les autres industries artistiques. Certains auteurs ne touchent pas le moindre centime sur leurs ventes. Et quant aux autres… J. K. Rowling a-t’elle vraiment besoin d’être plus riche que la reine d’Angleterre ? Il serait formidable que tous ces jeunes de la nouvelle génération, de ma génération, aient accès à la lecture de manière plus aisée plongés dans laquelle ils passeraient peut-être un peu plus de temps au lieu de s’abrutir devant MTV ou une console de jeux vidéos. Quitte à lire le dernier Twilight. Ce n’est pas encore Appolinaire, mais c’est toujours mieux que rien. Mieux vaut être un pirate cultivé qu’un honnête citoyen con comme un balai (pléonasme ?).

Concernant la peinture, la sculpture et l’art en général, il est heureux de constater que l’accès aux musées nationaux est gratuit pour les moins de 26 ans, mais ce n’est pas assez. En effet, que diriez-vous si l’on vous faisait payer l’accès au Monoprix du quartier quand bien même vous n’y achèteriez rien ? Et bien c’est exactement la même chose. À l’instar du fait que je sois immensément heureux de savoir que le dernier Alfred Musso est enfin disponible au rayon librairie de mon supermarché préféré sans toutefois avoir la moindre intention de dépenser un seul euro pour lire de pareilles conneries (Facebook est là pour ça), je souhaite pouvoir errer librement dans une galerie d’art pour me demander à loisir pourquoi tel artiste contemporain n’est pas encore sous sédatif dans un asile de haute sécurité, ou revoir avec plaisir, et autant que je le souhaite, les œuvres classiques de grands peintres ou photographes. Si j’en avais les moyens, cela ferait belle lurette que Le cri de Munch ornerait le mur de ma salle de bain en lieu et place du miroir qui surplombe mon lavabo. Mais jusqu’à ce que vienne ce jour béni, je revendique un libre accès à la culture sous toutes ses formes. Quoi de plus normal ?

Et parce que le téléchargement illégal n’a pas que des mauvais côtés, c’est grâce au piratage que survivent encore des œuvres magnifiques, ignoblement censurées par notre bon gouvernement ou les éditeurs qui refusent de les diffuser, telles que The Man from Earth de Jerome Bixby, Le nécrophile, moyen-métrage de Phillipe Bassarat (article à venir) ou encore Maladolescenza (on verra pour celui-là), diffusé sur Arté malgré l’interdiction le concernant pour son immoralité, très controversé mais non moins intéressant d’un point de vue psychologique. En 2010, l’album Recovery du rappeur Eminem est disponible en téléchargement illégal plus de deux semaines avant sa sortie officielle. Cela ne l’empêche pas de réaliser la meilleure vente de disques en une semaine depuis 2008 avec 1 100 000 exemplaires écoulés dans le monde entier. Il a aujourd’hui dépassé les 7 millions d’albums vendus. Une récente étude japonaise prouve même que le piratage des dessins animés (mangas) favorise la vente physique de DVD. Faut arrêter alors de nous prendre pour des cons à nous sortir d’on ne sait où des chiffres comme quoi les industries du disque et du cinéma ont perdu des milliards de dollars l’année passée la faute aux vilains méchants internautes.

Et à côté de ça des sociétés privées s’en foutent plein les fouilles grâce à la Hadopi et dérivés qui poussent l’internaute lambda vers des plate-forme de téléchargement payantes, mais sécurisées, et l’utilisation de VPN, ou encore les sites de streaming contre lesquelles on ne peut légalement et techniquement rien faire. Le téléchargement illégal n’est pas du vol, contrairement à ce qu’affirment nombre de politiques et ayants-droit, c’est de la copie. Le vol est par définition une soustraction, alors que la copie est une addition. Cela ne doit pas justifier toutes les dérives, mais au contraire encourager les personnes concernées par ce problème à trouver une solution adaptée à l’ère numérique que nous vivons. D’autant plus qu’un gamin qui pique un CD dans un supermarché risque tout au plus de se faire réprimander par un agent de sécurité qui le menacera d’appeler ses parents en cas de récidive, alors qu’un pirate s’expose à de très fortes amendes, la coupure de sa connexion Internet et une peine de prison ferme.

Concernant le téléchargement, légal celui-ci, en 1995 si je ne m’abuse, Stephen King utilise Internet pour diffuser gratuitement sa nouvelle Un tour sur le bolid’ qui sera par la suite publiée en 2001 dans le recueil Tout est fatal (mon premier download avec ma toute nouvelle connexion Internet). L’initiative est un succès immédiat en termes de téléchargements et de ventes de livres. Cette opération, orchestrée uniquement à des fins publicitaires, est pourtant l’application d’une philosophie apparue peu de temps auparavant sur le Réseau. En 2008, le créateur du projet Nine Inch Nails sort son album Ghosts I-IV. Malgré le fait qu’il soit diffusé sur Internet sous la licence Creative Commons BY-NC-SA, donc gratuitement, les ventes d’Amazon pour ce disque explosent et battent tous les records. En 2009, Marc Cerrone, flatté d’être piraté et anti-Hadopi notoire, propose son dernier opus Cerrone by Jamie Lewis en téléchargement gratuit. Il en résulte 50 000 téléchargements et 120 000 ventes. Pourquoi ? Parce que les gens ont voulu encourager l’initiative. Parce que beaucoup ont téléchargé pour découvrir et ayant aimé, décident de récompenser l’artiste pour son travail. C’est la preuve que les valeurs du partage et de la Liberté ne sont pas à sens unique et sont un moyen de gestion de la culture adapté à notre époque.

Aujourd’hui, nombre de créateurs publient gratuitement des œuvres sur la Toile (bédés, écrits, musique, etc.) et cela ne les empêche pas de vivre de leur art ou d’arrondir leurs fins de mois (selon leur popularité) en vendant à côté livres et disques. Quelques rares éditeurs comme InLibroVeritas proposent même aux écrivains la diffusion libre et gratuite de leurs ouvrages sachant que la vente physique se suffit financièrement à elle-même. C’est aussi un moyen pour les artistes dont les créations se sont vu refusées par les éditeurs et producteurs d’avoir à leur disposition un support de diffusion et de se faire connaître du public. Je vous recommande soit dit en passant Fatal de Michaël Youn qui, qu’on aime le personnage ou pas, est une formidable critique du monde pourri de la jet set et de l’industrie du spectacle.

Et parce que j’ai la prétention d’être un révolutionnaire, et non un simple contestataire, voici la solution (ma solution) au problème que pose le droit d’auteur en France sans avoir recours à des absurdités comme la Hadopi qui englouti les millions du contribuable pour une efficacité, somme toute, très relative :

  • une œuvre tombe dans le domaine public immédiatement suite au décès de son créateur
  • créer une autorité ou une association à but non lucratif chargée de faire le lien entre les artistes et les éditeurs, ceux-ci se partageant les revenus entre le droit d’auteur et le coût de fabrication du support, sans passer par l’intermédiaire des majors
  • voir un film au cinéma, assister à un spectacle ou acheter un livre donne le droit d’en télécharger la version numérique gratuitement et légalement
  • payer la redevance audiovisuelle donne le droit de télécharger gratuitement et légalement tout ce qui est diffusé par les opérateurs de radiodiffusion et télédiffusion
  • l’accès aux musées nationaux est gratuit pour tous
  • le partage de ces œuvres, soumis aux conditions précédentes, est parfaitement légal
  • l’utilisation d’œuvres numériques, acquises légalement, à des fins commerciales, si elles ne sont pas tombées dans le domaine public, est strictement interdit et sévèrement puni par la loi

Bien peu de choses en vérité, mais tant pour la préservation de notre patrimoine culturel.

Je conclurais cet article sur cette récente citation du réalisateur Francis Ford Coppola qui prône la création pour l’amour de l’art :

« Vous devez vous rappeler que ça ne fait que quelques centaines d’années que les artistes travaillent avec de l’argent. Les artistes n’ont jamais eu d’argent. Les artistes avaient un patron, soit le chef de l’État, le duc de Weimar ou encore l’église et le pape. Ou alors, les artistes avaient un autre emploi. J’ai un autre emploi. Je fais des films. Personne ne me dit quoi faire. Mais je fais de l’argent dans l’industrie du vin. L’idée que Metallica ou n’importe quel chanteur de rock & roll puisse devenir riche ne devrait pas nécessairement se produire à nouveau. Parce que nous entrons dans un nouvel âge, l’art sera peut-être gratuit. Peut-être que les étudiants ont raison. Ils devraient être en mesure de télécharger de la musique et des films. Je vais sans doute être fusillé pour avoir dit cela. Mais qui a dit que l’art devait coûter de l’argent ? Et surtout, qui a dit que les artistes devaient faire de l’argent ? »